Faire un planning pour la télévision est à la fois très important et très compliqué. Il y a énormément de choses à prendre en compte : l’horaire de cette série est-il adapté au public visé, l’audience de cette série va t-elle booster les audiences de la suivante, suis-je autorisé à diffuser ce genre de série à cette heure-ci ?
Qui est chargé de cette tache ?
La personne qui est chargée de s’arracher les cheveux face à ces questions est appelé le directeur de la programmation. Pour exercer ce métier, il vaut mieux avoir un sérieux sens des affaires, de la créativité, des compétences techniques et savoir travailler en équipe. Parce que le directeur des programmes n’est pas seul, et heureusement. Il doit aussi savoir très vite s’adapter, non seulement en cas de problème impromptu où il devrait changer le planning à la dernière minute, mais il doit aussi savoir s’adapter à son temps, maintenant que le public a accès à n’importe quel programme à n’importe quelle heure, grâce aux services de streaming. Il a donc la charge (mais pas seulement lui) de faire revenir les spectateurs devant la télévision, celle qui diffuse ses programmes à heures fixes.
En quoi consiste son métier ?
Tout d’abord, il faut savoir que nous sommes face à une entreprise comme les autres. Le but est toujours de faire rentrer de l’argent. Le fait de divertir les foules passe après. Pour savoir si le directeur de la programmation a bien fait son travail, on voit si les audiences ont été bonnes. Basé sur ces chiffres, les publicitaires vont alors décider quel programme touche la même audience que leur produit. C’est pour ça que vous avez des publicités pour des jouets pendant les dessins-animés, des pubs pour Weight Watchers pendant le soap de l’après-midi et des pubs pour Axe devant Top Gear. Le produit, c’est nous. Si un programme fait des audiences de plus en plus mauvaises, le publicitaire va alors décider de placer ses sous ailleurs. Simple question de logique.
Le travail du directeur de la programmation est alors de prendre tout cela en compte et de produire un planning où chaque type de personne va y trouver son bonheur. Mais il doit aussi prendre en compte le moment où chaque type de téléspectateur sera présent devant son poste de télévision (les enfants le matin et en rentrant de l’école, la ménagère l’après-midi pendant qu’elle repasse, l’homme en rentrant le soir après le travail. Oui, ces modèles économiques datent des années 50 et ça se voit).
Le directeur de la programmation partage son temps en deux : le développement et la programmation. La partie développement consiste à trouver de nouveaux programmes, à les acheter et a investir de l’argent dedans pour les faire vivre. Mais nous reviendrons sur ce point dans un prochain article. La planification consiste à placer tous ces nouveaux programmes parmi les anciens, dans le but de fidéliser un public. Il faut aussi trouver un horaire qui ne change pas, car si vous changez constamment l’horaire de diffusion d’une série, vous allez perdre tout votre public à la longue. Mais en même temps, si un show ne marche pas, vous allez être contraint de le bouger dans le planning sous peine que vos téléspectateurs aillent voir ailleurs.
N’oublions pas que tout est une question de stratégie commerciale. Quand une chaîne achète un nouveau programme, elle l’achète en pensant à quelles industries voudraient placer leurs publicités avec. Si le network s’aperçoit que son public est majoritairement féminin et qu’elle veut vendre des produits masculins, la chaîne va alors commander un programme qui s’adresse en priorité à ces derniers.
La stratégie du piquet de tente
Maintenant parlons d’une stratégie bien particulière : la tent pole strategy, qu’on peut traduire par la stratégie du piquet de tente. Ouais, c’est rigolo comme nom. Cette stratégie est historiquement utilisée par ceux qu’on appelle les Big Four (ABC, NBC, CBS et la Fox), mais est moins utilisée de nos jours, puisque les modes changent. Bref, comme vous le savez sûrement, il est assez difficile d’amener un public vers une nouvelle série. Et c’est encore plus difficile de le fidéliser devant. Cette stratégie consistait alors à placer une nouvelle série entre deux séries déjà établies. La chaîne sachant que les audiences seraient au rendez-vous pour la première et la dernière série, ils espèrent ainsi faire déborder sur la série du milieu. Et, en général, ça marche.
Le métier de directeur de la programmation est en train d’évoluer. Il doit maintenant prendre en compte les services de streaming et de replay. Il doit maintenant intégrer à son calcul que la série qui va être diffusée à la télévision devra être disponible juste après en replay.
Quelles sont les qualités du directeur de la programmation ?
Celui-ci doit non seulement avoir le sens des affaires comme on l’a dit précédemment, mais il doit aussi avoir le nez creux pour découvrir les tendances qui vont émerger. Il doit aussi savoir analyser les audiences passées, les succès comme les échecs, afin de déterminer les meilleurs horaires pour lancer un nouveau show, et savoir quel projet acheter ou décliner.
Il doit alors suivre les tendances populaires tout en sachant parfois prendre des risques (même si c’est de moins en moins le cas visiblement…). Parce que c’est facile de regarder ce que fait le voisin et de recopier. C’est aussi facile de faire des spinoff, des reboots ou des revivals de séries à succès. Mais parfois, un vent de fraîcheur est ce qui fera le plus grand bien à votre public.
Le directeur de la programmation réfléchi déjà à ce qu’il va faire d’une série avant que celle-ci ne soit tournée. Il doit savoir à l’avance si celle-ci sera rentable, à quel moment il doit la programmer pour qu’elle rencontre un succès… Et surtout, il doit tout faire rentrer dans le budget. Il ne faut pas l’imaginer comme un nabab qui balance des liasses d’argent pour des projets en pensant « advienne que pourra ». Non, la chaîne lui attribut un budget. Celui-ci se divise en plusieurs destinataires : les anciennes séries (qui ont plutôt la priorité), les nouvelles séries (qui commencent souvent avec un budget très limité, et, suivant leurs audiences et leurs critiques, peuvent réclamer plus pour les saisons suivantes), et le budget promotionnel, qui consiste justement à faire de la publicité aussi bien pour les anciens shows que pour les nouveaux. Rappelons que nous en revenons toujours à l’argent. Un directeur de la programmation ne commandera pas une nouvelle série parce qu’il l’a trouvé divertissante, mais il la choisira d’abord parce qu’il pense que celle-ci fera rentrer du flouze dans les caisses.
Enfin, il a aussi un rôle public. Il participe aux conférences de presse et aux upfronts. Il doit alors être aussi particulièrement doué en relations publiques.
Comment devient t-on directeur de la programmation ?
Sachez qu’il vous faudra d’abord accumuler 20 à 30 ans d’expérience dans le monde de la télévision. Ce métier est considéré comme l’échelon le plus important, et donc le plus difficile. Vous avez difficilement le droit à l’erreur. Souvent, les directeurs de la programmation sortent de boîtes de productions, ou ont mené une carrière dans le développement. Après, ce sont les expériences et les contacts qui font que vous accédez à ce poste.
[Dossier] Qui fait le planning à la télévision ? Retour sur le métier de directeur de la programmation